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Bien comprendre les opérations de LBO

Rédigé par Ambre Devis | 17 sept. 2024 12:21:30

Les opérations de LBO (Leveraged Buy-Out) sont devenues un élément incontournable du paysage financier moderne. Ces transactions complexes, qui impliquent l'acquisition d'une société cible principalement par le biais d'un financement par dette, ont gagné en popularité en raison de leur potentiel de rendement élevé et de leur capacité à transformer la structure de propriété des entreprises.

Dans cet article, nous allons plonger au cœur des opérations de LBO, en explorant leurs caractéristiques distinctives, leurs mécanismes de fonctionnement et les principaux acteurs impliqués. Nous examinerons comment l'effet de levier financier est utilisé pour maximiser le retour sur investissement, tout en soulignant les risques inhérents à ces montages financiers sophistiqués.

Que vous soyez un investisseur chevronné, un dirigeant d'entreprise envisageant une opération de LBO, ou simplement curieux de comprendre ces transactions financières complexes, cet article vous fournira une vue d'ensemble des opérations de Leveraged Buy-Outs.

Le montage d’une opération de LBO

Le principal objectif des opérations de LBO (Leveraged Buy-Out) est l'acquisition d'une entreprise en recourant principalement à un financement par endettement. Ce montage financier permet aux investisseurs de prendre le contrôle d'une entreprise tout en engageant une proportion relativement faible de leurs propres fonds et en maximisant le rendement des capitaux investis grâce à l'effet de levier.

Sur le plan technique, un LBO s'articule autour de la création d'une société holding, dont l'unique vocation est de détenir des titres financiers et s'endetter pour acheter une autre société, appelée "cible". La société holding s'acquitte des intérêts et rembourse le principal de sa dette grâce aux excédents de trésorerie générés par la société acquise ainsi qu'au produit de sa revente. Cette société holding est souvent désignée sous les termes de "NewCo" ou "HoldCo".

Les effets de levier au coeur des opérations de LBO

Afin de maximiser la rentabilité de l’opération et d’optimiser les ressources nécessaires à sa réalisation, plusieurs types de leviers sont utilisés. Ils jouent un rôle crucial dans la structuration financière et stratégique de l'opération, et se déclinent en plusieurs aspects :

1. Levier financier

En essence, un LBO permet de racheter une entreprise en utilisant principalement des fonds empruntés. L'intérêt principal de cette opération réside dans l'effet de levier financier, qui permet d'accroître la rentabilité des capitaux propres investis en utilisant des dettes.

Toutefois, bien que cet effet de levier puisse amplifier les gains potentiels, il augmente également les risques en cas de contre-performance de l'entreprise. En effet, lors d'une opération de LBO, l'emprunt contracté par la holding est remboursé grâce aux résultats de l'entreprise cible, à condition que la rentabilité économique de cette dernière soit supérieure au coût de l'endettement. Plus le rapport entre la dette et les capitaux propres est élevé, plus l’effet de levier est important.

 

2. Levier fiscal : 

Plusieurs dispositions fiscales peuvent être exploitées par les entreprises afin de tirer partie de l'opération :

  • Le régime d'intégration fiscale permet aux différentes sociétés d'être considérées comme une seule entité pour l'impôt sur les sociétés, facilitant la déduction des intérêts d'emprunt, l'imputation des déficits et la distribution des dividendes sans taxation, sauf pour une quote-part de frais et charges de 1 %. Toutefois, ce régime nécessite de détenir plus de 95 % du capital d'une autre société et impose un engagement minimum de 5 ans.

  • La holding peut déduire fiscalement les intérêts de ses emprunts.

  • Le régime mère-fille est applicable quand une société détient plus de 5 % du capital d'une autre société, permettant ainsi la distribution de dividendes qui sont exonérés fiscalement, sauf pour une quote-part de frais et charges de 5 % des dividendes reçus.

    Il est important de noter que ces trois dispositifs ne peuvent pas être combinés simultanément. Le choix doit donc se faire en fonction des caractéristiques de la société cible, du financement, des taux d'intérêt et de la conjoncture économique.

3. Levier juridique

La création de holdings intermédiaires permet de renforcer le contrôle sur la cible avec un apport en capital moindre, grâce à des structures en cascade.

 

4. Levier social et opérationnel

La croissance des agrégats de référence utilisés pour la valorisation de la société lors de la sortie est un levier de rentabilité majeur dans un LBO (indépendamment de l’évolution des multiples entre l’entrée et la sortie du fonds). Cette croissance repose principalement sur deux axes : l'augmentation du volume de vente et l'amélioration de la marge opérationnelle. Or, en offrant des outils d’intéressement et de motivation pour les salariés et dirigeants (mécanismes de participation au capital, plans de stock-options, etc.) les fonds les incitent à maximiser la performance de l'entreprise. Cet alignement des intérêts entre les différentes parties prenantes favorise l’effet de levier opérationnel.

Quelles sont les principales formes de LBO ?

Il existe plusieurs formes de LBO, chacune adaptée à des configurations spécifiques :

  • MBO (Management Buy-Out) : rachat de l'entreprise par ses dirigeants actuels.
  • MBI (Management Buy-In) : rachat de l'entreprise par une équipe de dirigeants extérieurs.
  • BIMBO (Buy-In Management Buy-Out) : combinaison de MBO et MBI, où les dirigeants actuels et extérieurs s'associent pour racheter l'entreprise.
  • LBO primaire : première opération de LBO réalisée sur une entreprise qui n'a jamais été rachetée par ce type de montage financier.
  • LBO secondaire : rachat de l'entreprise par un nouveau fonds de LBO après une première opération.

Quels sont les acteurs d’une opération ?

Une opération de LBO implique plusieurs acteurs clés, chacun jouant un rôle crucial dans le succès de l'opération.

  • Les fonds de LBO : ils apporte les capitaux propres et structurent l'opération. Leur sélection repose sur des critères clés tels que l'expérience, le track record, la capacité de financement et l'alignement de leurs intérêts avec ceux de l'entreprise cible.
  • Les banques : elles fournissent les différentes tranches de dette nécessaires au financement de l'opération.
  • Les conseillers M&A, financiers, juridiques et fiscaux : ils participent à la structuration et la négociation de l'opération, tout en assurant la conformité et l'efficacité juridique et fiscale de la transaction. Parmi ces conseils, on retrouve notamment:
    • Banques d’affaires : Elles conseillent l’acheteur ou le vendeur, structurent et négocient l'opération. Leur expertise en financement complexe et en fusions et acquisitions (M&A) est cruciale. Les banques d’affaires recommandent les meilleures stratégies de financement, identifient les risques et collaborent étroitement avec les conseillers financiers, juridiques et fiscaux pour garantir la conformité et l'optimisation juridique et fiscale de l'opération.
    • Conseillers financiers (Transaction Services, TS) : Ces experts se concentrent sur la due diligence financière. Ils analysent les performances financières de la cible, identifient les risques potentiels et valident les données financières pour sécuriser l'opération.
    • Conseils juridiques : Les avocats spécialisés en fusions et acquisitions (M&A) jouent un rôle clé dans la rédaction des contrats et des accords (SPA, pactes d'actionnaires, accords de financement). Ils s'assurent que toutes les obligations légales sont respectées et que les intérêts de leurs clients sont protégés. Par ailleurs des avocats spécialisés (e.g. en droit social ou fiscal) sont généralement en charge des due diligences.
    • Cabinets de conseil en stratégie : Ces conseillers peuvent aider à une meilleure compréhension du marché pour les acheteurs potentiels, à valider la croissance de ce dernier, et à identifier les opportunités et les menaces potentielles. L'intervention d'un cabinet de conseil en stratégie peut augmenter la valeur perçue de l'entreprise cible et rassurer les investisseurs sur la viabilité de l'investissement.


Les étapes clés d'une opération de LBO

 

 

Phase Préparatoire

La phase préparatoire est cruciale pour le succès d'une opération de LBO. Elle inclut plusieurs étapes clés qui s'articulent de manière cohérente pour maximiser la valeur de la transaction et assurer son bon déroulement. Avant de lancer l'opération, il est crucial de définir clairement ses objectifs, le périmètre concerné et le type d’opération qui va être menée. Une fois ces points définis, il est recommandé (en fonction de la taille de l’opération et des moyens à disposition) de sélectionner une banque d'affaires et les conseils de l’opération qui accompagneront le processus de vente.

Ainsi, si le vendeur souhaite maximiser le prix de vente et structurer l'opération de manière optimale, il peut choisir de se faire accompagner par une banque d'affaires. Cette dernière jouera un rôle central en conseillant le vendeur sur la stratégie de vente, en identifiant les acheteurs potentiels et en négociant les meilleures conditions de cession. Elle l’accompagnera par ailleurs lors de la phase préparatoire sur la préparation des documents marketing, une étape indispensable pour attirer les acheteurs potentiels. Cela comprend la création de documents essentiels tels que le teaser et le memorandum d'information.

Le teaser est un document succinct destiné à susciter l'intérêt des acheteurs potentiels sans divulguer le nom de la cible. En revanche, le memorandum d'information est un document beaucoup plus détaillé qui fournit aux acheteurs potentiels des informations complètes sur l'entreprise, y compris sa situation financière, son marché, ses concurrents et son historique. Ces documents marketings sont généralement préparés avec le concours d’experts, comme les conseillers financiers (Transaction Services, TS) qui réalisent la due diligence financière, analysent les performances financières de la cible et identifient les risques potentiel. Des cabinets de conseil en stratégie peuvent également aider à comprendre le marché, valider la croissance et identifier les opportunités et menaces potentielle. Pendant cette phase préparatoire, l’ensemble des conseils vont commencer à travailler sur les rapports de “Vendor Due Diligences” qui seront partagés aux investisseurs potentiels en phase 1 et/ou 2 en fonction de la stratégie choisie.

Lors de la phase préparatoire, il est également important de sélectionner les avocat spécialisés en fusions et acquisitions (M&A) qui accompagneront la rédaction et la négociation des contrats clés comme le SPA ou le pacte d'actionnaires. Des cabinets spécialisés en fiscal, social, corporate, peuvent également être mandatés pour réaliser des due diligences.

En résumé, la phase préparatoire est déterminante pour le bon déroulement de l'opération de LBO et nécessite une planification rigoureuse et une coordination étroite avec les différents conseils et partenaires financiers.

Phase 1 - Marketing

La Phase 1 d'une opération de M&A dans le cadre d'un LBO vise à mettre en place le processus de vente et à sélectionner les acheteurs potentiels les plus intéressés et offrant le meilleur prix. Le vendeur peut être assisté par une banque d'affaires pour structurer l'opération et maximiser le prix de vente. Cette phase débute par l'envoi d'un teaser, puis les acheteurs intéressés signent un Accord de Non-Divulgation (NDA) pour maintenir la confidentialité du processus. Une process letter leur est ensuite envoyée, décrivant les étapes, le calendrier et les modalités de l'opération ainsi que l'Information Memorandum.

Sur cette base, les acheteurs potentiels réalisent une première analyse de la cible et proposent une valorisation. Ceux qui sont toujours intéressés envoient une Non Binding Offert ou Lettre d’Intention (NBO ou LOI) indiquant leur prix proposé. Finalement, le vendeur et sa banque sélectionnent une short-list généralement entre 2 et 5 acheteurs pour la Phase 2.

Phase 2 - Audit

La phase d'audit est un moment déterminant dans une opération de LBO. Elle permet aux acheteurs potentiels d'examiner en profondeur l'entreprise cible pour en évaluer les risques et valider les informations fournies par le vendeur. Durant cette étape, les acheteurs engagent des experts financiers, juridiques et techniques pour analyser les documents de l'entreprise, souvent stockés dans une data room sécurisée. Ces documents incluent les états financiers, les contrats, les brevets, et autres informations pertinentes.

Les résultats des audits permettent aux acheteurs d'affiner leurs offres initiales et de préparer des offres fermes. Des sessions de questions-réponses (Q&A), des Management Presentation et des visites de site sont organisées pour clarifier les points d'incertitude. À l'issue de cette phase, le meilleur acheteur est sélectionné en fonction de la solidité de son offre et de sa capacité à respecter les exigences de l'opération.

Le processus de due diligence a pour but de sécuriser l'acheteur contre des découvertes futures qui pourraient affecter l'activité de l'entreprise cible. Cependant, ces audits sont basés sur les informations disponibles à un moment donné et ne couvrent pas les risques émergents après la signature du pacte de vente.

Phase de signing et closing

Après avoir reçu les offres engageantes des acheteurs potentiels, le vendeur et sa banque entament des négociations avec chacun d'eux pour maximiser le prix et obtenir des conditions avantageuses.

Le vendeur choisit ensuite l'offre la plus favorable et signe un SPA (Share Purchase Agreement) avec l'acheteur. Ce document, crucial dans une opération de fusion-acquisition, détaille toutes les modalités de la transaction : prix, conditions, parties impliquées, cible, calendrier, etc. La signature de ce SPA, appelée Signing, marque l'aboutissement de semaines de travail intense et de négociations.

Après le Signing, il faut lever toutes les Conditions Préalables (CPs) mentionnées dans le SPA pour finaliser la transaction. Ces conditions peuvent inclure l'autorisation des autorités de la concurrence, l'obtention de permis ou de brevets nécessaires, etc.

Une fois toutes les conditions remplies, le Closing peut avoir lieu. Cette étape consiste en la transaction finale, où les fonds sont transférés de l'acheteur au vendeur et où l'acheteur signe le pacte d'actionnaires, devenant ainsi officiellement actionnaire de la cible.

 

Points clés d'attention sur les actes juridiques phares du deal

Lors de la rédaction et de la négociation des actes juridiques d'une opération de LBO, plusieurs points clés méritent une attention particulière pour assurer la sécurité juridique et la réussite de l'opération :

  1. SPA (Share Purchase Agreement) :
    • Garantie de passif : inclure des clauses de garantie pour protéger l'acheteur contre les passifs non divulgués.
    • Conditions suspensives : définir clairement les conditions qui doivent être remplies avant le closing, telles que l'obtention de financements ou l'approbation des autorités réglementaires.
    • Ajustements de prix : prévoir des mécanismes d'ajustement de prix basés sur les performances financières post-acquisition ou d'autres indicateurs clés.
  2. Accords de financement :
    • Clauses de remboursement anticipé : négocier les conditions de remboursement anticipé pour éviter des pénalités excessives.
    • Covenants financiers : s'assurer que les engagements financiers imposés par les prêteurs sont réalistes et gérables pour l'entreprise cible.
    • Garanties et sûretés : évaluer les actifs de l'entreprise cible qui seront utilisés comme garanties et négocier les termes de ces garanties.
  3. Pactes d'actionnaires :
    • Droits de préemption : inclure des clauses permettant aux actionnaires existants d'acheter les actions avant qu'elles ne soient offertes à des tiers.
    • Droits de sortie conjointe : prévoir des mécanismes permettant à tous les actionnaires de vendre leurs actions en cas de vente de l'entreprise.
    • Gouvernance : définir clairement les droits de vote et les pouvoirs des différents actionnaires pour éviter les conflits futurs.
  4. Actes de garantie :
    • Type de garanties : choisir les types de garanties les plus appropriés (hypothèques, nantissements, etc.) en fonction des actifs de l'entreprise.
    • Valeur des garanties : s'assurer que la valeur des garanties est suffisante pour couvrir les montants empruntés.
    • Conditions de réalisation : définir les conditions dans lesquelles les garanties peuvent être réalisées en cas de défaut de l'emprunteur.

En portant une attention particulière à ces points clés lors de la rédaction et de la négociation des actes juridiques, les parties prenantes peuvent minimiser les risques et maximiser les chances de succès de l'opération de LBO.

Et après le LBO, quelles possibilités de sortie ?

Les options de sortie d'une opération de LBO sont variées. Parmi elles, on trouve l'introduction en bourse (IPO), qui permet à l'entreprise de lever des fonds publics. Une autre possibilité est la vente stratégique à un industriel ou à un autre fonds de LBO, ce qui peut offrir des synergies ou des avantages financiers. Enfin, la recapitalisation est une option où l'entreprise est refinancée, permettant aux investisseurs initiaux de récupérer leur mise tout en continuant à soutenir la croissance de l'entreprise.

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Bien que les opérations de LBO soient complexes et comportent des risques, elles offrent des opportunités de rendement significatif si elles sont bien planifiées et exécutées. Le succès dépend principalement d'une bonne compréhension des mécanismes financiers, de négociations rigoureuses et d'une gestion post-acquisition efficace.