Les mutations du monde du travail, particulièrement dans les sociétés technologiques, ont accéléré le développement du freelance et des sociétés de portage. Ces transformations permettent aux entreprises de recruter des experts à travers le monde sans les contraintes traditionnelles liées à l'emploi permanent. Le portage salarial, par exemple, offre une flexibilité unique en permettant aux entreprises d'employer des talents internationaux sans ouvrir de filiales locales, tout en fournissant aux travailleurs les avantages du statut de salarié. Cette nouvelle dynamique a bouleversé les modèles d'emploi traditionnels.
Malheureusement, les dispositifs d'actionnariat salarié traditionnels (tels que les BSPCE ou les actions gratuites), utilisés pour aligner les intérêts et maintenir l’engagement dans la durée des équipes, ne peuvent être utilisés pour les freelances et les salariés sous portage salarial, car ils sont réservés aux employés directs de l'entreprise et sous certaines conditions, aux salariés des filiales.
Cette situation pose un défi de taille : comment intégrer freelances et salariés en portage salarial dans des programmes d’actionnariat ? C'est ici que les Bons de Souscription d'Actions (BSA) entrent en jeu.
Pourquoi les BSA ?
Les dispositifs d'actionnariat salarié, comme les BSPCE ou les attributions d’actions, sont conçus pour renforcer l'engagement des salariés et les inciter à contribuer à la réussite de l'entreprise sur le long terme. Cependant, ils sont réservés aux salariés de l'entreprise et, dans une certaine mesure, à ceux de ses filiales, excluant ainsi les freelances et les salariés sous portage salarial.
Les Bons de Souscription d'Actions (BSA) se présentent comme une solution idéale à ce problème. Contrairement aux dispositifs d’actionnariat salarié, les BSA peuvent être proposés à des tiers, y compris les freelances, les consultants, et les salariés sous portage salarial. Cela les rend particulièrement adaptés pour motiver et fidéliser une main-d'œuvre diversifiée et internationale, sans les contraintes légales associées aux statuts d'emploi traditionnels.
Un BSA est un instrument financier émis par une société qui permet à son détenteur de souscrire des actions de celle-ci à un prix fixé lors de sa souscription, correspondant à sa valeur de marché. Contrairement aux actions, le détenteur de BSA n’a pas de droit de vote ou de droit aux dividendes, mais bénéficie de droits similaires en cas d’opérations sur le capital entraînant une dilution potentielle de leur droit. Les BSA offrent ainsi une flexibilité significative pour les entreprises cherchant à aligner les intérêts de ces collaborateurs externes avec ceux de l'organisation, jouant un rôle crucial dans les stratégies de rétention et d'engagement des talents.
Stratégies d’allocation des BSA
À ce jour, il n’existe pas de benchmark établi concernant les allocations de BSA aux freelances mais des facteurs clés peuvent vous servir de guide pour réaliser vos allocations tels que :
- le niveau d'expertise du freelance ;
- son niveau d'implication dans les projets de l'entreprise ;
- son impact potentiel sur la croissance de l'entreprise ;
- la valeur de marché des services fournis.
Par ailleurs, le niveau d’attribution doit être mis au regard :
- du plan d’actionnariat salarié mis en place pour les employés de l’entreprise (s’il en existe un)
- du % du capital global que la société a décidé d’allouer à ses employés et à des tiers
Il est pertinent d'envisager une stratégie à long terme pour fidéliser les freelances compte tenu de l'absence d'engagement sur la durée inhérent à leur statut. En effet, une allocation seule ne pourra maintenir leur intérêt pour l’entreprise sur le long terme. C’est pourquoi, il est intéressant de mettre en place des règles de réallocations périodiques, communément appelées "refresher" pour assurer une continuité. En réallouant des BSA à des moments stratégiquement choisis en fonction des calendriers d'acquisition, une entreprise peut accroître sa capacité à fidéliser les talents sur le long terme.
La quantité de BSA allouées doit être suffisamment attractive pour que le titulaire se sente réellement impliqué dans la réussite de l'entreprise.
Conditions d'exercice
La détermination des conditions d'exercice des BSA proposés à la souscription à des freelances et salariés en portage salarial est cruciale pour maximiser leur efficacité en tant qu'outil de motivation et de fidélisation. Il est essentiel de définir des périodes de vesting, souvent étalées sur quatre ans avec une acquisition progressive, pour sécuriser leur engagement à long terme. Ces périodes permettent aux freelances et salariés étrangers de devenir progressivement éligibles à l'exercice des BSA, encourageant ainsi une implication continue dans les projets de l'entreprise.
De plus, les conditions d'exercice doivent stipuler clairement les conséquences en cas de départ anticipé, qui impliquent souvent la perte du droit d'exercer les BSA non acquis.
Enfin, le prix d'exercice des BSA doit être fixé de manière transparente et équitable, en tenant compte du prix d’exercice des éventuels dispositifs d’actionnariat salarié mis en place dans l’entreprise afin de garantir l'alignement des intérêts des freelances et salariés en portage salarial avec ceux des autres salariés de l'entreprise.
Aspects Fiscaux et Réglementaires
1. Fiscalité des BSA
Les BSA ne sont soumis à aucun régime fiscal spécifique. En France, la flat tax de 30% s'applique sans abattement pour durée de détention.
Il est crucial de consulter un conseiller fiscal pour comprendre les implications fiscales des attributions de BSA à l'étranger. Cette consultation est d'autant plus importante que les régulations fiscales peuvent considérablement varier d'un pays à l'autre. Il est important de noter que l’investissement initial demandé de la part des bénéficiaires dans le cadre des BSA peut représenter une barrière pour certains freelances ou salariés, en particulier ceux qui sont en début de carrière ou qui n'ont pas de fonds disponibles pour investir.
2. Détermination du prix de souscription
Il est courant de fixer le prix de souscription des BSA à 10% de leur prix d'exercice. Cependant, il est important de noter que cette approche n'a pas encore été validée par la jurisprudence.
En principe, ce prix de souscription doit refléter la valeur de marché ("fair market value") du BSA. Établir un prix de souscription inférieur à cette valeur pourrait amener une administration fiscale à considérer qu’il y aurait alors un avantage "taxable" dans un éventuel écart entre cette valeur de marché et ce prix de souscription.
Pour établir ce prix de souscription conforme à la valeur de marché, il conviendra de prendre en compte toutes les conditions d'exercice, y compris les périodes de vesting et les cas d'expiration anticipés en cas de départ.
3. Contrôle des Changes
Lors de l'attribution de BSA à l'étranger, il est impératif de prendre en compte les régulations locales en matière de contrôle des changes. Les entreprises doivent s'assurer de respecter toutes les régulations locales pour éviter tout problème juridique ou réglementaire. Cela peut inclure des restrictions sur le transfert de fonds lié à des titres financiers ou des exigences de déclaration spécifiques.
Il est fortement recommandé de consulter un conseiller fiscal ou juridique local pour comprendre les implications fiscales et réglementaires des attributions de BSA à l'étranger.
4. Droit boursier
Offrir à la souscription des instruments financiers constitue par nature une opération d’appel public à l'épargne. En tant que telle, une telle opération est soumise à un certain nombre d'obligations réglementaires prévues par le droit boursier, notamment la production d’un prospectus contenant des informations détaillées sur l'offre, les risques associés et les conditions financières. Ce document doit être approuvé par l'autorité de régulation financière compétente (comme l'AMF en France).
Il existe toutefois certains cas d’exception, notamment si la société limite l’offre de BSA à un maximum de 150 personnes ou à des "investisseurs qualifiés", c'est-à-dire des personnes ou entités ayant les connaissances et les compétences nécessaires pour comprendre les risques associés à ce type d'investissement.
Il est donc crucial pour les entreprises de contrôler le nombre de bénéficiaires avant de procéder aux attributions de BSA pour éviter de tomber sous la réglementation plus stricte des appels publics à l'épargne.
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L'attribution de BSA aux freelances et salariés sous portage représente une stratégie innovante et efficace pour motiver et fidéliser ces talents. En offrant une opportunité de participation au capital de l'entreprise, les BSA permettent d'aligner leurs intérêts avec ceux de l'organisation, stimulant ainsi leur engagement et leur investissement personnel. Cependant, il est crucial de bien définir les conditions d'attribution et d'exercice pour maximiser les avantages tout en minimisant les risques.
En intégrant les BSA dans leur stratégie de rétention des talents, les entreprises peuvent non seulement attirer et fidéliser les meilleurs freelances et salariés étrangers, mais aussi renforcer leur position compétitive sur le marché mondial. Les BSA sont plus qu'un simple outil financier; ils sont un vecteur de motivation, d'engagement et de croissance partagée.
L'avenir du travail est global et flexible. Les entreprises qui sauront exploiter les avantages des BSA pour motiver et fidéliser leurs talents à l'international seront celles qui réussiront à prospérer dans ce nouvel environnement. En adoptant des stratégies innovantes comme l'attribution de BSA, les entreprises peuvent non seulement répondre aux attentes de leurs collaborateurs mais aussi se préparer à relever les défis futurs avec confiance et détermination.