Pacte d’actionnaire : comment bien le négocier ?

Quelles sont les clauses indispensables à négocier lors d'une opération de LBO ? Quels points sont à fort enjeux pour chaque partie ?


Un pacte d’actionnaires est un outil juridique essentiel dans la gestion d'une entreprise, particulièrement lors d'une opération de LBO (Leverage Buy-Out). Ce document, complémentaire aux statuts de la société, est confidentiel et extra-statutaire. Il est conçu pour définir les règles de fonctionnement entre les actionnaires ou associés, en précisant leurs droits et obligations. Le pacte d’actionnaires permet d'organiser la gestion courante de la société, de définir la stratégie et les objectifs financiers, de gérer les opérations financières, et d'encadrer l'entrée ou la sortie des actionnaires, notamment des investisseurs financiers. En outre, il régit des questions telles que l’exercice du pouvoir au sein de la société et les modalités de cession des titres, assurant ainsi une coordination et une protection des intérêts de toutes les parties prenantes.

Lors de l'élaboration du pacte d'actionnaires, il est crucial que les actionnaires existants soient prêts à faire des concessions, l'apport de capital des nouveaux entrants s'accompagnant nécessairement de l'octroi de certains droits. Cependant, étant donné que les fonds d'investissement sont souvent très expérimentés dans la rédaction de pactes, il est impératif que les dirigeants soient bien conseillés afin d'éviter l'adoption de clauses trop restrictives ou déséquilibrées. Dans le cadre d'une opération de LBO, il est également fondamental de garder à l'esprit que toutes les parties devront cohabiter jusqu'à la sortie, rendant les règles du pacte déterminantes. Dans un processus concurrentiel, le fonds apporte des capitaux, ce qui lui confère une légitimité pour formuler des demandes. De son côté, le dirigeant a la possibilité de refuser l'offre du fonds, ce qui constitue un levier de négociation. Il est essentiel pour les deux parties de savoir utiliser ces leviers de manière équilibrée afin de parvenir à un accord sans compromettre la confiance réciproque.

 

Rédaction du pacte d’actionnaires

Le pacte inclut souvent des clauses spécifiques visant à structurer l’exercice du pouvoir au sein de la société, à maîtriser la dilution du capital, à fidéliser les dirigeants et à planifier la sortie des investisseurs. Avant d'en entamer la rédaction, il est impératif de définir les points non négociables et ceux pouvant faire l'objet de discussions. En outre, anticiper des scénarios défavorables, tels que le départ, l'invalidité ou le décès d'un associé, est essentiel pour assurer la stabilité de l'entreprise et garantir qu'aucune clause essentielle n'est omise.

Lors de la rédaction d’un pacte d’actionnaires, il est important de veiller à ce que celui-ci offre un équilibre entre les signataires et ne soit pas source de tensions. Il doit avant tout être un instrument de rapprochement et de conciliation des intérêts divergents des actionnaires. Prendre soin de ne pas inclure de clauses trop rigides ou restrictives est essentiel, car elles peuvent être contre-productives et devenir une source de litiges. Il est également important de prévoir des procédures claires pour chaque point abordé afin de limiter les risques d’interprétation ou de contestation.

Le pacte d'actionnaires est généralement structuré autour de quatre catégories principales de clauses :

Clauses Générales

Ces clauses constituent le fondement du pacte d’actionnaires et sont indispensables pour sa bonne exécution. Elles définissent les modalités du pacte et apportent de la clarté dans sa rédaction, minimisant ainsi les risques de conflits.

  • Définitions : Afin d’éviter toute ambiguïté ou incertitude juridique, les termes fréquemment utilisés dans le pacte sont définis de manière précise.
  • Clause d’adhésion au pacte d’actionnaires : Lorsqu’il y a cession ou transfert d’actions, le nouvel actionnaire est tenu de se conformer au pacte d’actionnaires prééxistant. Cela garantit que tous les actionnaires sont liés par les mêmes règles.
  • Clause de confidentialité : Les informations contenues dans le pacte d’actionnaires, ainsi que celles relatives à la société, sont strictement confidentielles. Cette clause est notamment capitale lorsque des investisseurs corporate entrent au capital afin d’éviter que la technologie ou les procédés utilisés par la start-ups soient utilisés à l’avantage du corporate. Cette clause est à couplée avec
  • Clause de gestion du pacte : La société, en signant le pacte, est désignée comme gestionnaire. Elle a ainsi le pouvoir de forcer ou de refuser des ventes en signant des ordres de mouvement de titres à la place des actionnaires récalcitrants qui ne respectent pas leurs obligations.
  • Clause de déclarations et garanties : Les actionnaires fournissent des déclarations et des garanties concernant la situation de la société et leur capacité à signer le pacte, généralement au bénéfice des investisseurs.
  • Clause attributive de juridiction et droit applicable : Les actionnaires peuvent librement définir la loi applicable au pacte ainsi que le tribunal compétent pour trancher le différend. Toutefois, pour les associés particuliers, l’attribution de compétence en cas de litige n’est pas toujours opposable.
  • Clause pénale : elle prévoit des sanctions en cas de violation du pacte, telles que des dommages et intérêts ou l'obligation de céder des titres sociaux, selon la clause non respectée.

Clause relatives à la gouvernance et au fonctionnement de la société

Les clauses relatives à la gouvernance et au fonctionnement de la société sont essentielles pour assurer une gestion harmonieuse et équilibrée. Il est crucial d'éviter tout déséquilibre entre investisseurs chevronnés et fondateurs moins expérimentés, permettant ainsi à l'entrepreneur d'établir des limites et de ne pas se laisser imposer des décisions, notamment sur le plan opérationnel.

  • Mise en place d’un organe de contrôle : La formation d'un comité ou d'un conseil de surveillance est instaurée pour valider en amont les décisions majeures prises par les gestionnaires de l’entreprise.
  • Rapport et informations renforcés : Un système de rapport périodique est mis en place, obligeant les managers à fournir aux actionnaires bénéficiant du reporting des informations essentielles telles que le chiffre d’affaires, les flux de trésorerie et les événements significatifs ayant eu lieu durant la période.
  • Financement : Certains actionnaires s’engagent à fournir des financements ou des financements additionnels à l’entreprise, notamment par le biais d'avances en compte courant. Les investisseurs peuvent également réserver une tranche supplémentaire de financement pour la société.

Clauses relatives aux mouvement sur le capital

Ces dispositions visent à contrôler la structure du capital et à protéger les actionnaires actuels en limitant ou interdisant certains transferts d’actions dans des situations spécifiques. Il est notamment essentiel d’inclure des clauses de sortie pour gérer les départs d’investisseurs. Ces clauses nécessitent une compréhension fine de la part des dirigeants, des différentes catégories d’actions et des droits associés.

  • Clause d’agrément : Les transferts d’actions nécessitent l’approbation des associés ou d’un organe désigné, empêchant ainsi l’entrée de tiers sans consentement préalable. Cette clause est souvent présente dans les statuts des SAS, avec des exceptions possibles pour les cessions à des holdings personnelles. La clause d’agrément est essentielle car elle permet de contrôler la cession des parts sociales ou actions. Dans les sociétés de capitaux, les actions sont généralement librement cessibles, mais cette clause permet de restreindre cette liberté pour stabiliser l’actionnariat et assurer sa cohérence.
  • Droit de préemption : En cas de volonté de céder des actions, les autres actionnaires, souvent les fondateurs, disposent d'une priorité pour les racheter. Cette clause est cruciale car elle assure la continuité et la stabilité au sein de l'actionnariat en empêchant l'entrée de tiers non souhaités qui pourraient déséquilibrer la société. Sur le plan juridique, il est impératif que la clause de préemption soit définie avec précision pour éviter toute ambiguïté lors de sa mise en œuvre. Une clause mal rédigée ou perçue comme trop contraignante peut être contestée, et les tribunaux ont tendance à les interpréter de manière restrictive (afin de respecter la liberté contractuelle tout en limitant les atteintes à la libre cession des actions). La principale difficulté de cette clause réside dans l'équilibre à trouver entre la protection des actionnaires existants et la liberté de l’actionnaire vendeur de disposer de ses actions.
  • Incessibilité ou inaliénabilité : Les transferts d’actions peuvent être restreints pour une période déterminée (jusqu’à 10 ans). Cette clause garantit la stabilité financière d’une SAS en assurant aux créanciers que les actionnaires sont engagés sur le long terme. En incitant les associés à conserver leurs actions, elle favorise une réflexion axée sur la rentabilité et la stabilité de l'entreprise. De plus, en empêchant un désengagement facile des actionnaires, elle assure une cohésion et une vision commune, essentielles à la réalisation des objectifs stratégiques de la société.
  • Droit de sortie conjointe (tag along) : Si des actionnaires vendent leurs actions, les bénéficiaires de cette clause peuvent également vendre leurs actions aux mêmes conditions. Les investisseurs réclament souvent cette clause pour protéger les minoritaires.
  • Obligation de sortie conjointe (drag along) : Les actionnaires majoritaires peuvent contraindre les minoritaires à vendre leurs actions à un acquéreur tiers souhaitant acheter 100% des actions de la société.
  • Anti-dilution : Les bénéficiaires peuvent maintenir leur pourcentage de participation au capital lors d'une augmentation de capital, s’ils souhaitent et peuvent financièrement acquérir les actions nécessaires.
  • Priorité d’investissement : Les bénéficiaires ont la priorité pour tout nouvel investissement (bien qu'ils puissent refuser).
  • Ratchet : En cas d’augmentation de capital à une valeur inférieure à celle initialement convenue, les investisseurs peuvent souscrire de nouvelles actions à une valeur symbolique pour ajuster leur participation. Cette clause a pour objectif de protéger l’investisseur contre une éventuelle dévaluation de ses parts. Elle permet ainsi de maintenir la stabilité et l’attractivité de l’investissement en ajustant la quantité d’actions détenues, sans affecter leur valeur unitaire.
  • Liquidité ou clause de rendez-vous: Un mécanisme de sortie est prévu après un certain délai ou événement, facilitant la vente de la société ou des actions de certains actionnaires, souvent au bénéfice des investisseurs.
  • Introduction en bourse : Une clause de liquidité spécifique prévoyant l’organisation pour une future introduction en bourse de la société.
  • Changement de contrôle : Si un actionnaire, personne morale, change de contrôle, il doit céder ses actions aux autres actionnaires ou à certains d’entre eux.

Clauses relatives aux hommes-clés :

Ces clauses ciblent spécifiquement certains actionnaires exerçant des fonctions opérationnelles essentielles au sein de l'entreprise, leur imposant des obligations ou leur accordant des droits particuliers.

  • Fonctions opérationnelles : Les rôles opérationnels des actionnaires ou de certains d'entre eux sont clairement définis dans le pacte d'actionnaires, précisant les postes de direction ou de salarié qu'ils occupent.
  • Clause d'exclusivité : Les actionnaires impliqués dans les opérations de l'entreprise s'engagent à consacrer l'exclusivité de leur activité professionnelle à la société.
  • Clause de non-concurrence : Les actionnaires opérationnels s'engagent à ne pas exercer d'activité concurrente ou à ne pas participer à des projets concurrents pendant qu'ils sont actionnaires et même pendant une période déterminée après leur départ.
  • Clause de good leaver / bad leaver : En cas de départ fautif ou volontaire (bad leaver) ou involontaire pour cause de maladie ou de décès (good leaver) d'un actionnaire opérationnel, ses actions peuvent être rachetées par les autres actionnaires, avec une décote appliquée en cas de bad leaver.
  • Clause de relution dans le capital : Pour inciter certains actionnaires opérationnels à atteindre leurs objectifs, un mécanisme est instauré leur permettant de souscrire à de nouvelles actions de la société, à travers l'attribution d'actions gratuites ou de BSPCE.

 

La portée du pacte

Contrairement aux statuts, qui régissent l'ensemble des actionnaires de la société, le pacte d'actionnaires est un contrat privé qui ne lie que ses signataires. En conséquence, il est inopposable aux tiers, ce qui signifie que les obligations et les droits stipulés dans le pacte ne peuvent être imposés à ceux qui ne l'ont pas signé. Par exemple, si une clause de préemption existe dans le pacte, mais qu'un signataire la contourne pour vendre ses actions à un tiers, cette vente ne pourra pas être annulée si le tiers est de bonne foi, ignorant ainsi les termes du pacte. De plus, la société elle-même ne sera pas tenue de le respecter, sauf si elle en devient partie prenante par ratification. Jusqu'à récemment, les violations du pacte par l'un de ses signataires ne pouvaient entraîner que des dommages-intérêts. Cependant, il est désormais possible de demander l'exécution forcée du pacte, ce qui assure un meilleur respect des obligations contractuelles, même en présence de signataires récalcitrants.

Dans le contexte d'une entreprise avec de nombreux investisseurs, il peut être judicieux de limiter l'inclusion de tous les investisseurs dans le pacte principal. Une approche pratique consiste à créer des mini-pactes distincts, réservant le pacte principal aux fondateurs et à un petit groupe d'investisseurs clés, tandis que les salariés et les petits business angels sont intégrés via des accords séparés. Cette stratégie permet de gérer efficacement les relations entre les différentes parties prenantes tout en maintenant la confidentialité et la flexibilité du pacte d'actionnaires.

 

Les limites du pacte d’actionnaires

Les pactes extra-statutaires offrent une flexibilité considérable pour définir les relations entre les actionnaires tout en maintenant la confidentialité. Cependant, cette liberté s'accompagne de certaines limitations :

  • Inopposabilité à la Société et au Tiers: La société et les tiers non signataires ne sont pas obligée de respecter les engagements pris dans ces pactes. Cela signifie que les stipulations du pacte ne peuvent être imposées à la société elle-même et aux-non signataires, sauf en cas de ratification.
  • Exécution Forcée des Obligations: La jurisprudence est souvent réticente à imposer l'exécution forcée des obligations prévues dans les pactes. En cas de non-respect, les recours se limitent généralement à des dommages et intérêts.
  • Risque de Requalification: Les juges peuvent requalifier les pactes extra-statutaires, ce qui pourrait altérer leur efficacité et leur application.
  • Durée du Pacte: La durée du pacte doit être clairement définie. Bien qu'une durée indéterminée soit possible, elle présente le risque qu'un signataire puisse résilier le pacte à tout moment. Une durée déterminée, souvent alignée sur la durée de l'investissement ou de la société, peut offrir plus de stabilité.
  • Conformité aux Statuts et à la Loi: Un pacte d'actionnaires ne doit en aucun cas être en contradiction avec les statuts de la société ou la loi. Les statuts prévalent toujours sur le pacte en cas de conflit.

 

Conclusion

La rédaction minutieuse d'un pacte d'actionnaires est indispensable lors d'une opération de LBO. Ce document joue un rôle clé dans la structuration des relations entre associés, la définition de leurs droits et la prévention des conflits potentiels. Il est primordial d'intégrer des clauses spécifiques dans les statuts ou dans le pacte d'actionnaires pour garantir une gestion harmonieuse et éviter toute ambiguïté future. Recourir aux services d'un cabinet d'avocats spécialisé dans la rédaction de pactes d'actionnaires est vivement recommandé, afin de bénéficier d'un accompagnement expert et d'assurer une protection optimale des intérêts de toutes les parties prenantes. Une telle approche proactive permet de renforcer la confiance et la collaboration entre actionnaires, tout en assurant la pérennité et la réussite de l'entreprise.

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